NOTORIETE DE GUERMAZ- (1919-1996)
3/4 Guermaz , la reconnaissance de la critique :
L’œuvre de Guermaz a bénéficié d’une grande visibilité en Algérie à la galerie Colline dans les années 45 à 60. Puis il s’est imposé progressivement à Paris lorsqu’il s’y est établi en 1961, en présentant son oeuvre dans des galeries et au Musée des Arts Décoratifs , nous venons de le voir, en compagnie de ses amis algériens et européens d’Algérie , mais aussi dans les Salons.
Il a ensuite acquis une pleine et entière notoriété à la galerie Entremonde dans les années 70.
Dans l’Echo d’Oran ,vers 1950, Eugène Cruck écrit : « Voici un jeune peintre oranais qui, malgré sa grande modestie,atteindra à la notoriété avant peu de temps... »
.
Dans Oran Républicain , L.R. (Robert Martin), écrit à son tour vers 1955 : «Ce que l’on trouve dans les récentes toiles de Guermaz, c’est, sur la base d’une solide construction,un harmonieux équilibre des couleurs, et parant l’ensemble,une fraîcheur et une distinction qui le rendent fort séduisant....Guermaz se montre un artiste authentique qui, serrant la vérité de près,s’efforce de l’exprimer par des formes nouvelles. ».
Dans Oran Républicain,, on relèvera ce texte de Michel Desclaux sous le titre de « Guermaz, peintre du silence » : « Silencieux,discret ,fuyant le bruit, l’agitation, Guermaz est un peintre sérieux. Avec patience il poursuit depuis plusieurs années une recherche originale, qui ne tolère aucune concession à la facilité, au frivole, au goût du jour ». Et, un peu plus loin :
« Sa technique, son intelligence, sa culture, contribuent à créer un faisceau de forces qui s’harmonisent en une synthèse évolutive, perpétuellement dépassée recomposée plus exactement sans que n’apparaisse la faille mortelle de l ’improvisation . »
Que de qualités déjà relevées par la critique chez Guermaz : authenticité, solidité ,recherche de l’harmonie,mais aussi maîtrise dans la création de formes nouvelles...
En 1961 il est désormais établi à Paris et s’est engagé progressivement vers l’abstraction. Ce
sont ses « Compositions abstraites » des années 60 que caractérise ainsi Jean – Jacques Lévêque dans sa préface à l’ exposition « Six Peintres du Maghreb »,en 1966, en témoignant avec une grande justesse de l’évolution de son regard sur le monde ,désormais plus intériorisé :
«S’il fut un observateur attentif du monde , Guermaz a su progressivement se libérer du poids des choses,dépasser le jeu des formes, des apparences, pour recueillir ce qui est au cœur des choses, choisir l’esprit au concret. Mais ses œuvres n’en ont pas pour autant perdu leur saveur, cette véracité qui fait le regard complice des choses avec lesquelles il entre en « contact ».
On sait que la peinture de Guermaz a pris un tournant décisif à la fin des années 60. S’il reste fidèle à l’abstraction ,il aspire à un certain dépouillement. Dans maintes de ses œuvres, le blanc se substitue peu à peu à la couleur. En lui se révèle, comme chez la plupart des artistes et écrivains de sa génération , une prédisposition au mysticisme. Désormais son pouvoir créateur prend sa source dans la méditation.
Rêva Rémy en témoigne, dans « Guermaz ».Sl,vers 1970 :
« Quel recueillement , quel silence contemplatif dans les œuvres de Guermaz. Ses nouvelles toiles nous prouvent son cheminement intérieur ,depuis les peintures aux ardences volontaires qui étaient un hymne à la réalité coutumière. A présent l’artiste semble avoir pris de l’altitude avec ses chants aux sonorités blanches » .
Le silence est créateur et le vide de la toile blanche se peuple bientôt de signes, taches de couleur ponctuelles qui bientôt s’assemblent en de petits ensembles colorés. L’espace vierge se délimite et se construit ; des plans apparaissent où prennent place des reliefs qui s’ouvrent sur l’horizon du ciel . Ces compositions sont devenues des « paysages » , lieux de mémoire, certes, ou lieux « mythiques » ,mais plutôt , pensons nous ,le témoignage des premiers pas qu’il accomplit sur la voie de la sagesse et la preuve de son engagement spirituel.
Jean –Marie Dunoyer , dans « Transmutation des valeurs »,Le Monde, 15-16 janvier 1978, en
a parfaitement compris le sens et nous le confirme en des termes d’une grande profondeur :
Guermaz affine sa manière , la sensibilise à l’extrême .La contrée qu’il crée et modèle de toutes pièces ,qu’il aménage pour son confort - si toutefois l’état contemplatif peut être , à un certain degré , conçu sans ascèse- formée de hautes falaises, de prairies, de nappes d’eau ,secrète sa propre lumière : un cosmos de soleils intérieurs ».
Mais à mesure qu’il progresse sur la voie de la sagesse, et que son silence intérieur s’approfondit, ses « paysages » s’épurent .Les ensembles colorés se font plus rares Un univers de roches mises à nu se dévoile et s’ouvre vers l’infini...
Roger Dadoun , un des meilleurs connaisseurs de la pensée et de l’œuvre de Guermaz,
l’interprète ainsi , dans « Guermaz », La Quinzaine Littéraire, 1 au 15 février 1980 :
« Peintre du Transfini (selon l’expression de Verdiglione) Guermaz, avec la virtuosité d’un
Maître du Zen (ses toutes petites toiles sont des Mandala ! ) trace ses sentiers de méditation
sur d’immenses plages d’univers- Minutes de sable mémorial ... »
Pierre REY